Histoire de " l'Hôtel-Dieu de Besançon "

 
Détail du plan relief de Besançon 1722 réalisé par Ladevèze
 

 

Il y eut deux périodes : l'avant Saint Jacques de Chamars et l'après ! La nécessité de venir en aide aux pauvres affligés et aux pèlerins usés par le cheminement sur la route de Compostelle imposèrent aux édiles et parfois aux princes la conception de lieux de repos et de soins. Ainsi, dès 1095, le Pape Urbain II donnait-il son accord pour la création de l'Hospital des Antonins afin de porter remède également au " mal des ardents " ou " feu de Saint Antoine " lourd tribut payé au manque d'hygiène alimentaire de l'époque !

En 1176, la maison de Cirey-les-Belleveaux était consacrée comme " pénitentiaire du Bon Pasteur ".
En 1182, Besançon était pourvu, avec l'accord pontifical de Lucius II, de quatre établissements charitables : Saint Jacques des Arènes (aux lieux actuellement occupé par la basilique de la Madeleine), Sainte Brigitte ou Brigide, qui sera fonctionnel jusqu'en1660, Sainte Antide, dépendant de l'abbaye Saint Paul rue Bersot, et supprimée en 1777 et Saint Antoine et en 1207 y fut ajouté l'hôpital du Saint Esprit, sous l'impulsion de J. de Montferrand, avec la bénédiction du pape Innocent III. Les soignants, religieux, seront appelés de Montpellier. Il restera fonctionnel jusqu'en 1797 et alors rebaptisé " hôpital des enfants de la Patrie "!.
En 1436, l'archevêque J. de Rochetaillée restructure le tissu hospitalier de la cité : le " Saint Esprit " prend en charge l'hôpital Saint Jacques, le reconstruit et le destine aux vieillards et voyageurs. L'atmosphère est alors alourdie par les épidémies de peste (1424, 1439, 1451, 1456) et les guerres épisodiques: Charles le Téméraire disparaît en 1477.
En 1456 un premier médecin est affecté à l'univers hospitalier, il vient de Flandres !
En 1571, le Recteur du Saint- Esprit abandonne la gestion de Saint Jacques des Arènes qui devient l'hôpital civil.
En 1666, sous l'égide de l'archevêque Antoine-Pierre de Grammont, le Magistrat confie l'administration de Saint- Jacques à un bureau spécial fait de notables et de dames patronnesses . On fait appel à cette occasion aux religieuses de l'Hôtel Dieu de Beaune , qui, arrivées en grande pompe le 24 mars 1767 s'en retournent, dégoûtées, en 1670 ! L'ordre des Ursulines leur succède.


L'état de délabrement de l'établissement fait alors naître l'idée d'une reconstruction de l'institution dans un autre site à acquérir : le quartier de Chamars est élu !
Une correspondance est établie en1662 avec d'autres Hôtels-Dieu en prévision d'un nouveau bâtiment : Lyon, Angers, Paris .
La ville ayant donné son accord en 1671, la cession de terrains de vignobles appartenant aux hospices est consentie pour payer le nouveau terrain.
La Franche Comté, envahie une première fois en 1674, devient française à la suite d'une deuxième et cruelle invasion suivie du traité de Nimègue de novembre 1678 ! L'autorité régalienne va se faire sentir : Louvois soutient les intentions de A. P. de Grammont et la construction du nouvel édifice va s'étendre de 1686 jusqu'en 1702 !
Les plans primitifs sont établis par un parisien, Royer, mais remaniés par un homme du pays, aumônier de la Visitation , Jacques Magnin, puis par Jean Cuene, entrepreneur-architecte de Besançon. La maçonnerie et les gros travaux seront confiés à des entrepreneurs du Bourbonnais ou de Liège !
En 1683, au cours d'une visite effectuée par le " Seigneur Roi très chrétien " dans la ville, Monsieur de la Vallée, ingénieur de Sa Majesté, apporte de nouveaux plans pour des bâtiments complémentaires ; quelques libéralités s'en suivent !
La consécration des lieux est effectuée en 1691 et la fin des travaux est datée de 1702.
Le prix de l'ensemble semble avoir été colossal puisque le monarque lui-même estimait bon d'être gueux à Besançon tant les soins y étaient de qualité !
Les ressources étaient en grande partie d'origine locale : effets de la bienfaisance privée, subventions communales, privilèges tels que l'encaissement de la moitié des amendes de police, le droit prélevé sur les viandes vendues en période de carême, prix des journées des militaires hospitalisés, revenus de prieurés et revente des maladreries de Quingey et Lavèze .
Un impôt provincial de 6000 Livres est autorisé et le monarque répond en 1688 aux sollicitations par un " secours " de 24.000 livres !
Une commission administrative fut composée en 1679, réunissant sept membres dont le pharmacien Gabriel Gascon, elle sera complétée en 1683 par le maire de la ville et un assesseur.
1691 est une date importante pour l'établissement : par le transfert de l'Université de Franche-Comté à Besançon, ce qui coûte 150.000 livres à la ville, l'hôpital devient universitaire et l'enseignement de la médecine y est entrepris. Un an plus tard, les chirurgiens font l'objet d'une particulière distinction, on les sépare des barbiers, la charge de " chirurgien royal juré " est créée à Besançon.
Sont alors dénombrés 64 lits retenus pour les " fondations ", 180 pour les malades et 260 pour les militaires. Le cloître possède 19 fenêtres sur chaque façade, les plafonds sont à " hauteur d'église ", hauteur jugée démesurée. Il est ajouté, pour clore le cloître, une grille réalisée par le serrurier de Rans, Nicolas Chappuis pour la somme coquette de 12 700 Livres (certains disent 2000). Les horlogers Dumont fabriquent l'horloge et s'engagent à son entretien pour dix ans et pour la somme de 390 Livres, Bobilier se charge du dessin du cadran pour 6 livres !
En 1687 les sœurs adoptent la tenue des religieuses de Dole, leur congrégation dirigée à partir de 1694 par une supérieure élue pour trois ans cédera régulièrement des soignantes aux hôpitaux de la région : Arbois 1689, Poligny 1696, Baume-les-Dames 1697, Pontarlier 1700, Châlins 1701, Ornans 1724.
En 1692, déjà membre de la commission administrative, G. Gascon lègue à l'institution sa pharmacie et 3000 livres pour l'entretien ! Ainsi peut-on y retrouver le mortier ayant servi à la préparation ophidienne publique : la thériaque !
Presque dans le même temps (1704) est édifié à côté de l'hôpital une institution d'accueil pour les jeunes filles en situation difficile, " le refuge ". On y recrute " parmi les meilleures familles de la province ". En sa faveur va le testament de Antoine François de Montcley Blicterswick (1709).
De 1739 à 1745 s'y trouvera adjointe une chapelle conçue par l'architecte Nicolas Nicole et en 1793 un bâtiment de " pénitence " dessiné par André, architecte de Nancy.


Mais la révolution va sévir et changer bien des choses. L'Université est abolie, l'enseignement devenant clandestin est assuré par des bénévoles, la consommation des médecins sur les champs de bataille de la République rendra les autorités moins regardantes !
A l'an II de la République, les hôpitaux sont nationalisés, leurs biens sont aliénés au titre des biens nationaux, y compris l'eau de vie !! Ils seront remplacés par les avoirs confisqués aux émigrés (qui en redemanderont restitution en 1827 !). Saint-Jacques devient l' " hôpital de la montagne ", L'ancien abbé Marrelier, président de la municipalité révolutionnaire, impose des surveillantes laïques et renvoie les religieuses (le 7 mars 1792), un Conseil d'Administration de 5 membres est installé à la direction de l'établissement (loi du 6 ventose an V).
Peut-être par réaction, Jeanne Antide Thouret fonde en 1799 " les Sœurs de la Charité ".
Puis vint l'Empire, les structures du " Refuge " sont annexées à l'hôpital. Les travaux de maçonnerie permettent alors la libre communication entre les bâtiments contigus.
L'enseignement est rétabli imposant même la construction d'un amphithéâtre d'anatomie (1810).Trois médecins, deux chirurgiens et un pharmacien assurent les cours pratiques dans l'établissement.


Enfin, la Restauration et l'ère moderne et pastorienne vont suivre avec leur cortège de transformations :


Ainsi furent abordés les temps modernes mais il fallut attendre le premier tiers du vingtième siècle pour pouvoir disposer de monte-charges et monte-malades électriques, le téléphone automatique n'apparut qu'en 1931. En 1955, l'hôpital fut reconnu comme lieu d'enseignement d'Ecole Nationale de Médecine et le 12 octobre 1966, il recouvrait son titre et son rôle de Centre Hospitalier Universitaire.